Le WWOOFing, esclavage ou liberté?

Pour avoir fait beaucoup de wwoofing, avoir des amis qui acceptent des wwoofeurs et aussi été directrice d'exploitation agricole avec des lycéens comme "main d’œuvre gratuite" je peux vraiment parler des deux côtés de la médaille.



Premièrement, que ce soit du côté wwoofeur ou employeur, les risques sont partagés. Côté employeur, ce n'est pas parce qu'on a qqun qui travaille pour nous que c'est un travail efficace. Cela demande du temps, de l'organisation, il faut avoir des compétences en gestion d'équipe pour que ce soit efficace, et surtout si on héberge les wwoofeurs dans l'habitation, c'est un vrai choix de faire la cuisine, de partager des repas, du temps, des conversations avec des nouvelles personnes plus ou moins tous les mois. Il y a des fois où on trouve des "super-wwoofers" qui sont compétents, qui apportent une plus-value au lieu qu'on n'aurait pas eu le temps ou les compétences pour le faire, et avec qui le feeling passe super bien et cela devient des amis, mais d'autres fois ils font des erreurs, où ils veulent l'hébergement mais pas travailler et ce sont plus des squatteurs qu'autre chose.
Du côté wwoofer, la découverte d'un nouveau lieu est toujours incertaine. Il y a des lieux de wwoofing où on travaille bien, on apprend des choses, on a plaisir à travailler et d'autres où on est vus comme de la main d’œuvre pas chère, on n'est pas inclus dans les décisions...
Comme dans la vie, il y a des bonnes et des mauvaises expériences. Mais en aucun cas je regrette les mauvais lieux où je suis passé, car ce sont eux qui m'ont finalement appris le plus : ils m'ont appris à me respecter moi-même, à connaître mes limites et à dire NON quand je n'accepte plus le contrat de ce qu'il m'est proposé et pas bêtement subir de me faire exploiter ou dans des conditions qui ne correspondent pas à mes valeurs ou mes envies du moment.

Deuxièmement, quelle agriculture voulons-nous? Quelle société voulons-nous? Une agriculture où toute main d’œuvre doit être fliquée et contrôlée? Une agriculture où on encourage à la monoculture et la mécanisation? Une société où tout se marchande? Une société égoïste où les gens doivent se rendre esclaves de leur boulot pour rembourser leur dettes? Une société où on ne compte pas les externalités négatives et du coup on sous-paye ceux qui nourrissent le pays avec des produits sans produits chimiques, nettoient nos eaux et stockent du carbone dans les sols? Si vous voulez tout ça, bravo c'est ce qui est en train de se passer! :)
Si nous souhaitons encourager une agriculture agro-écologique, qui par nature demande plus de main d'oeuvre, si nous souhaitons avoir plus d'agriculteurs (qui ne sont plus que 4% de la population!), si nous voulons sensibiliser plus de citoyens à l'agriculture, la nature, à la terre, alors je trouve que le wwoofing est un formidable outil!

Troisièmement, comment interdire le bénévolat et l'échange de service? A quoi ressemblerait notre société sans bénévoles!!?? Il n'y aurait plus d'associations sportives et culturelles, plus de fêtes de village, plus de festivals, etc...! Dans une société où l'on rémunère davantage les métiers inutiles au bien commun (Cf les "Bullshit jobs"), je ne serai même pas étonnée que la totalité du travail fourni par les bénévoles ne soient pas plus utile à notre société que la totalité du travail fourni par les actifs.

Enfin, je trouve l'argument comme quoi cela "vole la place d'un employé" totalement injustifié et sans connaissance des réalités du terrain. D'abord les agriculteurs qui prennent des wwoofeurs n'ont pas souvent les moyens de se payer eux-même et encore moins des salariés. Ensuite quand ils en ont les moyens, les agriculteurs savent bien qu'un salarié durable qui connaît le métier et le fonctionnement de l'exploitation n'a pas du tout la même valeur qu'une quirielle de wwoofers qui défilent et avec qui on ne cesse de devoir re-expliquer les choses, voire même qui peuvent faire plus d'erreur à réparer.




Le wwoofing est certainement un bel apprentissage de la vie, où par les échanges, les rencontres bonnes ou mauvaises, on apprend à sortir de la prison de nos préjugés pour aller vers la rencontre, l'échange, le partage, où l'on se reconnecte... aux autres, et puis aussi à soi! Puisque l'on apprend à user de notre libre-arbitre et choisir où et avec qui l'on veut travailler.
A long terme, je vois le wwoofing comme l'internet humain des agriculteurs, formant un immense réseau de partage d'expériences, de connaissances, et d'humanité.

Commentaires

  1. Très intéressante réflexion! Et d'utiliser les mauvaises expériences comme leçon à tirer est une très bonne façon d'envisager la vie. Je viens juste de quitter la ferme où j'avais prévu de rester un mois. Quelques jours ont suffi à voir la réalité qui ne me convenait pas. Si mon expérience intéresse:

    https://onceuponasheep.fr/2022/03/21/wwoofing-lesclavagisme-des-temps-modernes-ou-reel-partage-retour-sur-notre-courte-experience/

    Megane

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire